En cas de séparation, lorsque la cohabitation sous le même toit devient impossible, la question de l’occupation du logement familial est la question la plus délicate.
Qui va conserver le domicile conjugal ?
Le Juge tient compte notamment de l’intérêt des enfants, de la possibilité pour les époux de pouvoir offrir ou non une garantie au bailleur. J’ai obtenu en 2017, dans une affaire jugée à Lyon, par Madame BERRUEX, une décision attribuant la jouissance du domicile conjugal, s’agissant d’un bien en location, l’époux ayant des revenus stables alors que l’épouse a des revenus aléatoires lui laissant moins de chances de retrouver un logement. Le juge, dans cette affaire avait laissé un délai d’un mois à l’époux pour quitter le domicile conjugal.
Lorsque le domicile conjugal est un bien commun ou en indivision :
Le contentieux lié au caractère gratuit ou onéreux de la jouissance est réglé par le Juge aux affaires familiales, l’article 255 4° du Code civil dispose que :
“le Juge aux affaires familiales pourra attribuer à l’un des époux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation”
Si les époux sont propriétaires dudit bien, le juge devra alors indiquer dans son Ordonnance de Non Conciliation (ONC) si cette jouissance se fera à titre gratuit ou onéreux étant, ici précisé que s’il ne le précise pas, la jouissance sera présumée être ne pas être gratuite.
Les différents cas :
1- La jouissance est prévue à titre NON gratuit :
Dans ce cas de figure, le Juge aux Affaires Familiales se contente d’indiquer que la jouissance du domicile conjugal sera onéreuse durant la procédure de divorce. Il n’est pas obligé d’en préciser le montant sauf si les parties s’entendent sur ce point, ce qui est assez rarement le cas car cela pourrait avoir une incidence au moment du partage. Le caractère onéreux étant retenu l’époux n’a toutefois strictement rien à régler à son conjoint le temps de la procédure.
En effet, ce n’est qu’au moment où le divorce sera reconnu comme définitif que l’indemnité d’occupation sera défini par le notaire à l’occasion des opérations de liquidation du régime matrimonial des ex-époux. Cette indemnité d’occupation sera alors fixée en fonction de la valeur locative du bien avec, en général, une décote de 20 % pouvant aller jusqu’à 30% dans certains cas pour pallier au terme incertain de cette occupation.
Il en résultera que l’époux qui aura bénéficié de cette occupation verra sa part liquidative diminuée de l’indemnité d’occupation au moment du partage.
Si la part de propriété (50% si le bien est entré dans la communauté ou à X % si le bien est en indivision, le montant de l’indemnité d’occupation sera en fonction de ce pourcentage.
(Voir l’article : Séparation ou divorce : l’occupation exclusive du logement n’est pas gratuite).
2 – la jouissance est prévue à titre gratuit :
Dans cette hypothèse, le Juge prendra en considération les situations financières respectives des époux de sorte que si l’époux qui bénéficie de la jouissance du domicile conjugal se trouve dans un “état de besoin”, cette jouissance lui sera attribuée gratuitement au titre du devoir de secours.
Il en résultera que l’époux bénéficiaire ne sera redevable d’aucune somme à son conjoint au titre de l’indemnité d’occupation durant la procédure de divorce.
Toutefois, la durée de la gratuité peut être limitée à un certain délais mois à la demande de l’époux non bénéficiaire .
J’ai déjà obtenu des décisions limitant cette indemnité à deux années à compter de l’Ordonnance de Non conciliation voire 6 mois. J’attire votre attention sur le fait que jouissance n’est en réalité pas totalement gratuite pour deux raisons :
1- la gratuité cesse avec le prononcé définitif du divorce :
Lorsque le divorce est prononcé de manière définitive, l’époux qui se trouvera toujours dans les locaux de l’ancien domicile conjugal, devra régler une indemnité d’occupation à compter de cette date.
2- la jouissance gratuite est soumise à une imposition :
En effet, l’attribution du domicile conjugal à titre gratuit durant la durée de la procédure de divorce – au titre du devoir de secours – est considérée par l’Administration fiscale comme un avantage en nature qui s’analyse en une pension alimentaire.
Il en résulte que la somme correspondant à cette jouissance gratuite devra être mentionnée dans la déclaration de revenus : elle sera ainsi déductible pour l’époux non bénéficiaire de la gratuité et imposable pour l’autre.
A défaut de déclaration, un redressement fiscal serait envisageable.